Doc. 4- Témoignage d’un enfant arménien déporté
J’aurais du être mort à l’âge de 9, 10 ou 11 ans, mais Dieu m’a gardé. Je vais vous raconter brièvement mon histoire. Je suis né à Amassia, au Sud de la mer Noire. En 1915, il y avait dans cette ville 38 000 habitants dont plus de 15 000 étaient des Arméniens (…). Ma famille était arménienne, nous étions cinq enfants, trois garçons et deux filles. (…)
Lorsque la guerre de 1914 fut déclarée, on mobilisa tous les Arméniens de 18 à 50 ans environ. C’est ainsi que mon deuxième frère de 19 ans parti sans retour. Quelques semaines après, les Turcs ont raflé tous les Arméniens qu’ils voyaient dans la rue, ils les ont emmené en prison sous prétexte qu’ils avaient caché des armes. Tous ces hommes ont disparu, un peu plus tard le reste des Arméniens reçu l’ordre de quitter la ville… C’était le 23 Juin 1915, et le début de notre exode…
J’ai quitté Amassia avec mon père malade, ma mère et mes deux sœurs. (…). L’exode est trop pénible à raconter, très peu comme moi ont survécu. Sous une chaleur de 30 à 40 degrés, les déportés affamés, assoiffés, dépouillés et épuisés par la marche, tombaient par milliers (…). Une femme s’est précipitée devant moi et s’est jetée à la rivière pour mourir, plus loin je l’ai vu emportée par le courant et accrochée à des tas de cadavres… Par endroit, l’odeur des morts était si forte que nous marchions la bouche ouverte pour respirer. Au cours de notre exode, une de mes sœurs fut enlevée par des Turcs, mon père assassiné. Au bout de trois mois de marche je n’oublierai jamais ce Kurde qui nous sépara de la caravane, loin de tout, et sous la menace de son couteau, il nous dépouilla ma mère et moi et partit avec ma sœur qu’on n’a jamais revue… Ma mère est morte huit jours après, de maladie et de chagrin, et j’ouvris mes yeux d’orphelin chez un Kurde. Il habitait dans un grotte ; je gardais ses chèvres les pieds nus, la tête nue et mal nourri : j’étais misérable…
D’après le témoignage de Papen Injarabian, devant le Tribunal des peuples,
cité intégralement sur le site www.imprescriptible.fr/