Palerme, une capitale à la croisée de trois civilisations

Localisation de Palerme au XIIIe siècle


Palerme à l’époque médiévale

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Description de Palerme par Falcandus

Hugo Falcandus décrit Palerme au XIIe siècle, sous les règnes de Guillaume Ier et Guillaume II, rois normands de Sicile.

Le palais neuf occupe le quartier opposé, construit de pierre taillée avec une admirable rapidité et d’un travail superbe, entouré à l’extérieur par les courbures de ses murailles, remarquable à l’intérieur par l’éclat des gemmes et de l’or. Ici c’est la tour Pisane, députée à la garde du Trésor ; là la tour Grecque ; au milieu c’est la partie du palais qui a nom la Joharia, abondamment décorée, que le roi fréquente quand il recherche le calme et le repos, éclatante de la gloire d’ornements multiformes. Puis, dans l’espace restant, sont disposées à l’entour les maisons destinées aux matrones, aux jeunes filles et aux eunuques qui servent le roi et la reine. Il y a là d’autres petits palais resplendissants de décoration : ici le roi s’entretient dans le secret avec ses familiers de l’état du royaume ; là il reçoit les grands pour parler des affaires publiques et majeures. Et il ne faut pas passer sous silence les nobles officines attachées au palais où l’on amincit les flocons de soie en fils de diverses couleurs et où on les unit par de multiples méthodes de tissage ; enfin dans une partie du palais qui regarde la ville, la chapelle royale offre son pavement somptueux, et aussi des parois décorées de panneaux de marbre.

Hugo Falcandus, Liber de Regno Sicilie, 1160


Description de Palerme par Ibn Djubayr

Description de Palerme

En cette cité, les musulmans conservent quelques restes de leur foi ; ils fréquentent la plupart de leurs mosquées et ils y célèbrent la prière rituelle sur un appel clairement entendu. Ils ont des faubourgs qu’ils habitent seuls, à l’exclusion des chrétiens. Les souks en sont fréquentés par eux, et ils en sont les marchands. Ils ont un cadi devant lequel ils élèvent leurs procès ; ils ont une mosquée principale où ils s’assemblent pour faire la prière et qu’ils ont grand soin d’illuminer en ce mois béni [ramadan]. Les mosquées ordinaires sont fort nombreuses, innombrables. Pour la plupart, elles servent de classes pour les professeurs de Coran. En somme, ces gens sont des isolés, séparés de leurs frères les musulmans, sous tutelle des infidèles, et ils n’ont aucune sécurité, ni pour leurs biens, ni pour leurs femmes, ni pour leurs fils. Dieu veuille les rétablir en leur état, grâce à une intervention favorable. […]

L’un des édifices des infidèles les plus extraordinaires que nous ayons vus est l’église dite de l’Antiochien. Nous l’avons visitée le jour de la Nativité, qui est pour les chrétiens une très grande fête à laquelle ils se rendent en foule, hommes et femmes. Son architecture nous offrit un spectacle indescriptible, tel qu’il faut décider qu’elle est le plus merveilleux des ouvrages de ce bas monde. Ses murs sont, à l’intérieur, entièrement revêtus d’or, avec des plaques de marbre de différentes couleurs, tel qu’on n’en vit jamais de pareil ; les murs sont ornés partout de mosaïques d’or et couronnés d’arborescences en mosaïque verte. […] Cette église a un clocher qui repose sur des piliers-colonnes en marbre de différentes couleurs, et une coupole y est élevée sur d’autres colonnes. C’est la construction la plus extraordinaire qui soit. Dieu veuille l’honorer bientôt de l’appel à la prière, par sa bonté et son intervention généreuse !

Dans cette ville, la parure des chrétiennes est celle des femmes des musulmans. La langue alerte, enveloppées et voilées, elles sont dehors à l’occasion de la fête dont nous venons de parler ; vêtues d’étoffes de soie brochées d’or, drapées dans des vêtements magnifiques, voilées de voiles aux couleurs variées, chaussées de bottines brodées d’or, elles se pavanent en se rendant à leurs églises ou plutôt à leurs gîtes ; elles portent, en somme, toute la parure des femmes des musulmans, y compris les bijoux, les teintures et les parfums.

Palerme et ses environs

Nous sortons de Palerme au petit matin du vendredi pour nous rendre à Trapani, à la recherche de deux navires s’en allant l’un en Andalus, l’autre à Ceuta ; tous deux avaient fait voile vers Alexandrie et transportaient des pèlerins et des marchands musulmans. Nous passons par une suite ininterrompue de villages et de fermes fort rapprochées ; nous voyons des labours et des cultures en un terroir tel qu’on n’en saurait trouver de plus généreux, de plus excellent, de plus étendu ; nous les comparons à celui de la campagne de Cordoue ; mais la terre est ici encore meilleure et plus forte.

Sur notre route, nous passons une seule nuit dans une localité appelée Alcamo, grande et vaste, avec un souk et des mosquées. Les habitants de cette ville, comme ceux des fermes que nous avons rencontrées sur notre route, sont tous musulmans. Nous en partons à l’aube du samedi et, dans les environs, nous passons près d’une grande localité avec de nombreux bains d’eau chaude. Nous descendons de monture et délassons notre corps en nous y baignant. Nous arrivons à Trapani à la tombée de la nuit et nous nous installons dans une maison que nous prenons en location. […]

Cette ville a un souk, un bain et toutes les commodités que l’on doit trouver dans une ville. […] Elle jouit d’une aisance qui provient du bon marché des denrées que l’on y trouve, car elle possède un très vaste territoire en labour. Les habitants sont des musulmans et des chrétiens, chacune des deux fractions y ayant mosquées et églises. […] Ce jour avait été jour de jeûne pour les habitants de cette cité. Ceux-ci célébrèrent la fête [de rupture de jeûne] […]. Les gens de la ville sortirent de la ville pour se rendre au champ de prières. Ils se mirent en marche avec timbales et trompettes. Nous fûmes surpris de cela, et de la licence que les chrétiens leur en laissaient.

Ibn Djubayr, Voyages.


Description de Palerme par Al-Idrisi

La première de ces villes est Palerme, cité des plus remarquables par sa grandeur et des plus illustres par son importance ; chaire de prédication parmi les plus célèbres et prestigieuses du monde. Elle est dotée de qualités qui lui confèrent une gloire inégalable et réunit beauté et noblesse. Siège du gouvernement dès les temps primitifs et les premiers temps de l’islam, c’est de là que partaient les flottes et les armées lors des expéditions militaires et c’est là qu’elles revenaient, comme elles le font encore aujourd’hui.

Cette ville est sur la côte, elle a la mer à l’est, et est entourée de montagnes hautes et massives. Le rivage à cet endroit est plaisant et riant, il est orienté vers l’est. La ville est dotée de bâtiments magnifiques, qui accompagnent les voyageurs et étalent la beauté de leur construction, la finesse de leur réalisation et leur merveilleuse originalité.[…]

De tous côtés, la ville est traversée par des cours d’eau et des sources pérennes ; les fruits y poussent en abondance ; ses édifices et ses promenades sont tellement beaux qu’il est impossible à la plume de les décrire et à l’intelligence de les concevoir ; le tout est une vraie séduction pour l’œil.

Le Cassaro dont il vient d’être fait mention est parmi les villes fortifiées les mieux défendues et les plus élevées ; il peut résister aux attaques et est tout à fait imprenable. À son sommet est un fort, bâti récemment pour le grand roi Roger et constitué d’énormes blocs de pierre de taille recouverts de mosaïques. Les murs du « Palais » sont bien alignés et élevés, ses tours de guet et ses postes de garde sont d’une construction fort solide, de même que les différents palais et salles qu’il abrite. Ces derniers sont ornés des motifs calligraphiques les plus merveilleux et couverts de peintures remarquables. Tous les voyageurs attestent la splendeur de Palerme et en font une description hyperbolique. Ils affirment clairement qu’il n’y a point hors de Palerme d’édifices plus magnifiques que les siens, de demeures plus nobles, de palais plus imposants et de maisons plus agréables.

Le « Faubourg » qui environne l’ancienne ville forte dont il vient d’être fait mention est très vaste, il contient un grand nombre de maisons, d’hôtelleries, de bains, de boutiques et de marchés. Il est entouré d’une enceinte, d’un fossé et d’un espace vide. À l’intérieur, il y a beaucoup de jardins, de parcs splendides, de canaux d’eau fraîche courante provenant des montagnes qui entourent cette plaine. À l’extérieur, au sud, coule la rivière de `Abbâs, qui fait tourner des moulins en assez grand nombre pour suffire aux besoins de la ville.

Al-Idrîsî, Nuzhat al-mushtaq fî ikhtirâq al-âfâq, encore appelé Livre de Roger. Sicile, 1154.

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