Le salon de Madame Geoffrin
La grille d’analyse
Les salons littéraires
Le témoignage de Marmontel, habitué du salon
« Assez riche pour faire de sa maison le rendez-vous des lettres et des arts, et voyant que c’était pour elle un moyen de se donner dans sa vieilles une amusante société et une existence honorable, Mme Geoffrin avait fondé chez elle deux dîners, l’un, le lundi pour les artistes, l’autre le mercredi pour les gens de lettres, et une chose assez remarquable, c’est que sans aucune connaissance des arts, des lettres, cette femme qui de sa vie n’avait rien lu ni rien appris qu’à la volée, se trouvant au milieu de l’une ou l’autre société, ne leur était point étrangère : elle y était même à son aise […]. [Il] n’arrivait d’aucun pays, ni prince, ni ministre, ni hommes ou femmes de nom qui, en allant Mme Geoffrin n’eussent l’ambition d’être invité à l’un de nos dîners et ne se fissent un grand plaisir de nous voir réunis table. C’était singulièrement ces jours-là que Mme Geoffrin déployait tous les charmes de son esprit et nous disait : soyons aimables. Rarement, en effet, ces dîners manquaient d’être animés de bons propos. »
Jean-François Marmontel, Mémoires d’un père, 1800.
Voltaire sollicite l’appui de Geoffrin.
En 1766, les époux Sirven, deux protestants de Mazamet, sont injustement accusés d’avoir tué leur fille. pour obtenir leur réhabilitation judiciaire, Voltaire sollicite l’appui de princes européens afin de faire pression sur le roi de France.
« Vous êtes, Madame, avec un roi qui, seul de tous les rois, ne doit sa couronne son mérite1. Votre voyage vous fait honneur à tous deux. Si j’avais eu de la santé, je me serais présenté sur votre route et j’aurais voulu paraître à votre suite. Je ne peux mieux faire ma cours à Sa Majesté et à vous, Madame, qu’en vous proposant une bonne action. Daignez lire et faire lire au roi le petit écrit ci-joint. Ceux qui secourent les Sirven et qui prennent en main leur cause ont besoin d’être appuyés par des noms respectés et chéris Nous ne demandons qu’à voir notre liste honorée par ces noms qui encouragent le public. L’aide la plus légère nous suffira. La gloire de protéger l’innocence vaut le centuple de ce qu’on donne. L’affaire dont il s’agit intéresse le genre humain, et c’est en son nom qu’on s’adresse à vous, Madame. »
Lettre de Voltaire à Mme Geoffrin, 5 juillet 1766.
1- Le roi de Pologne est élu par les nobles polonais.
Madame Geoffrin à Vienne
Répondant à l’invitation du roi Stanislas-Auguste, Mme Geoffrin s’arrête six jours Vienne, capitale des États autrichiens. Au cours de ce séjour, elle rencontre diverses personnalités dont l’empereur François 1er en personne.
« On cria : voilà l’empereur qui revient. Je me mis sur le devant du carrosse pour le voir mieux. Sa calèche s’arrêta. Il sauta en bas et vint à la portière du carrosse et me dit qu’[…] il avait très empressé de me connaître. Il me dit que le roi de Pologne était bien heureux d’avoir une amie comme moi. Je fus confondue et n’ai jamais été aussi bête. Enfin, je lui dis « Comment est-il possible que Votre Majesté impériale sache que je suis au monde? » Il me dit qu’il me connaissait très bien et savait tout ce que j’avais quitté en quittant ma maison. Enfin, il me parla comme s’il avait été à nos petits soupers du mercredi. J’ai voulu me jeter au bas du carrosse pour me prosterner, [mais] il m’en empêcha avec une grâce infinie. […] Je crois rêver. Je suis connue ici beaucoup plus que je ne le suis dans la rue Saint-Honoré et de la façon du monde la plus flatteuse ; et mon voyage y fait un bruit depuis quinze jours incroyables. »
Lettre de Mme Geoffrin à son ami Boutin, 12 juin 1766
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